C’était un dimanche d’automne, ces beaux matins d’automne ensoleillés et légèrement brumeux prémices d’une belle matinée de chasse, de nombreux chevreuils ayant été aperçus dans la semaine. Nous avions rendez-vous près de Fougères où, après le traditionnel café et l’émargement sur le cahier de présence, Yvon, notre hôte, nous rappelait les consignes de sécurité et nous signalait aussi la présence d’un vieux solitaire. La distribution des postes faite après discussion, nous rejoignîmes nos emplacements…
Après inspection des lieux, je m’installais sur mon siège confortablement au pied d’un beau châtaignier, angles de tir dégagés, je me préparais à une longue attente. Je guettais, scrutais, humais la doucereuse odeur de la forêt, j’écoutais chaque bruit et je me surprenais à rêver à mon 1er chevreuil. Je me rappelais ce très beau livre qui a bercé ma jeunesse « La gloire de mon père » et me laissais lentement transporter dans une étrange rêverie. Je fus dérangé par l’arrivée impromptue d’un beau capucin, tranquille pépère, il esquissa juste un petit temps d’arrêt après m’avoir aperçu puis repris son chemin, il savait sûrement que ce n’était pas le jour… je retournais donc à ma songerie quand 4 coups de corne puis le rigodon me sortirent de ma torpeur, Yvon venait de tirer une chevrette. Je me dis alors « c’est mort pour aujourd’hui, bah ce sera pour une autre fois »…
Je décidais alors de m’enfoncer un peu plus dans le bois en direction de Pierrot, et m’installais silencieusement à mon nouveau poste. Quand soudain, j’entendis un bruit de craquement, des pas précipités et des grognements qui se rapprochaient de moi. J’armais alors mon arc, prêt à la confrontation, la gorge sèche, les jambes légèrement flageolantes mais le bras ferme, je m’attendais à voir ce fameux solitaire mais rien… et toujours ces grognements de plus en plus proches. Je décidais alors de basculer de l’autre côté de mon arbre et vis débouler un beau brocard qui stoppa nette sa course dans la coulée, la tête en direction de Pierrot. Il me tournait le dos je l’avais donc légèrement en ¾ arrière. Tout alors se déroula très vite, je me souvins de ce que j’avais lu : un tir arrière est un tir compliqué mais mortel, ma main libéra la flèche qui pénétra à 4 cm du rectum dans le cuissot. A l’impact de la flèche, mon chevreuil reprit sa course en aboyant dans les taillis, courant à sa mort certaine…
Pierrot qui avait vu la scène sonna les 4 coups et le rigodon. Gégé qui se tenait tout prêt nous rejoignit pour marquer le début de la piste. Pierrot m’avoua alors lui avoir décoché une flèche sans résultat, ce qui explique l’attitude surprenante du chevreuil. Après 30 bonnes minutes d’attente, nous suivîmes les traces de sang jusqu’à mon chevreuil couché au pied d’un arbre. Il avait parcouru 30 m.
Après lui avoir rendu les honneurs, je fus baptisé du sang de mon 1 er chevreuil. Après dépeçage, on vit que ma flèche avait pénétré à l’arrière du cuissot, sectionné le foie et les poumons pour finir sur la clavicule avant droite, fatal.
1ère flèche décochée, 1er chevreuil, la chance du débutant…
Après toutes ces émotions, j’ai compris pourquoi j’avais choisi ce mode de chasse, pour toutes ces joies, ces heures d’attente jamais pour rien, ces belles rencontres qui nous ravissent et nous émerveillent, ces poussées d’adrénaline et toutes ces belles histoires de chasse à raconter…
Merci à Yvon, Pierrot, Lolo, Gégé et tous les copains présents pour cette belle journée que je n’oublierai pas de sitôt.
Yvon B.