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25 avril 2019 4 25 /04 /avril /2019 17:39

Voici un article paru dans le dernier CHARC sur Jean-Yves Thiefine, membre de l'ACAIV

 

L’aigle, l’homme et la chasse

 

Jean-Yves Thiefine pratique la chasse au vol, avec un aigle mais aussi la chasse à l’arc. Un passionné qui a accepté de parler de ces deux domaines qui ont plus d’un point en commun…

 

DT : Comment as-tu rencontré la fauconnerie ?

JYT : C’est contemporain avec la découverte de l’arc. Dans les années 80, j’ai travaillé en Arabie Saoudite pour le roi Fahd, j’étais alors tapissier. A l’époque, je faisais beaucoup de tir avec un revolver gros calibre et je ne pouvais pas me rendre dans ce pays avec ça sous le bras. Comme j’avais envie de tirer, j'aime la concentration qu'apporte le tir de précision, je me suis acheté un arc et j’ai commencé à l’utiliser dans les dunes. Au pied du palais où je travaillais, un jour est arrivée une voiture bizarre, un Range Rover berline décapotable et à la place des sièges arrière, il y avait une barre enroulée de tissus où étaient posés trois faucons sacre !

 

DT : Un premier choc donc, et ensuite ?

JYT : Une fois rentré en France, j’ai eu envie d’essayer de pratiquer la fauconnerie. Ca me paraissait complètement loufoque ! On ne parlait pas encore de chasse à l’arc, alors, encore moins de la fauconnerie. Pour moi c’était médiéval ! Et puis je me suis renseigné auprès du Ministère qui s’occupait de la chasse à l'époque et on m’a dit qu’il existait une association nationale de fauconniers et d’autoursiers (propriétaire d’autour), composée de 250 membres. J’ai souhaité y rentrer, j’ai écrit, téléphoné… C’était un peu une société secrète en 1980 ! C’était laborieux, mais j’ai réussi et j’ai pu obtenir mes premiers oiseaux… Et je continuais aussi à tirer à l’arc.

 

DT : Justement venons-en au tir à l’arc…

JYT : Parallèlement, durant tout ce temps, je tirais à l’arc. J’avais un ‘’poulies’’ beaucoup trop petit, je tirais tout seul, je ne connaissais même pas mon allonge !… J’en ai acheté un deuxième, puis un troisième, un PSE quadraflex. Ce dernier faisait 100 livres ! On tirait à cette époque des puissances extraordinaires ! Comme je tirais dans le sable en Arabie ou chez moi à La Grande Motte, même  à 100 m, que je sois dedans ou en dehors de la cible, je retrouvais mes flèches ! La première fois que j’ai fait un parcours chasse, à Morsang-sur-Orge, j’ai été très étonné de voir un jeune homme équipé d’un couteau à la Rambo ! Pour me moquer un peu, je lui ai demandé s’il n’y avait pas aussi une boussole dès fois qu’on se perdrait ! Je me souviens très bien de l’ours à quarante mètres, je venais d’ôter mon viseur ! Ma flèche est arrivée dans le bois ! Le jeune homme m’a regardé tirer sur ma flèche et m’a demandé : «  Tu veux un couteau ?! » J’ai compris à quoi servait cet outil !

 

DT : Et la chasse à l’arc alors ?

JYT : On sentait que ça venait. Il y avait une pression pour que cela se libère. On était toute une équipe à faire des parcours, dans le sud et j’ai commencé la chasse à l’arc un peu avant sa légalisation, ensuite, j’ai passé rapidement ma JFO comme tous les anciens. Cela a mis du temps avant d’être pleinement accepté dans les ACCA. Moi, j’ai eu de la chance à Nice, ils étaient ouverts et m’ont vite laissé un territoire à condition d’être huit chasseurs à l’arc ! C’était exceptionnel et pourtant cela remonte à 20 ans. Aujourd’hui, c’est plus courant.

 

DT : Tu continues de chasser avec un arc à poulies ?

JYT : L’hiver, je suis un peu frileux alors j’ai tendance à me couvrir, à m’emmitoufler, et j’emploie l’arc à poulies car je suis plus précis. L’été, je taquine le ragondin avec le recurve. Au début de la saison, je commence par le recurve et ensuite je passe à l’arc à poulies ! Je chasse chez moi dans le Morbihan et en Ille-et-Vilaine avec l’ACAIV,  le chevreuil et le sanglier. Pas trop le renard, je l’aime bien c’est un animal très sympathique, mais hélas il faut aussi parfois le réguler. Il n’a pas une vie facile mais il mérite le respect, comme tous les animaux d’ailleurs. Contrairement à que certains spécistes pensent, les animaux savent qu’ils sont des proies potentielles. A nous de respecter ça !

 

DT : Tu t’es aussi consacré à la fauconnerie…

JYT : En effet, parallèlement, j’étais rentré en fauconnerie – j’emploie ce terme car c’est très prenant. Pour bien faire voler un oiseau, il faut l’entraîner presque tous les  jours, avoir un boulot  adapté qui laisse suffisamment de temps pour ça ! J’ai même acheté un appartement en bordure de l’hippodrome de Cagnes-sur-Mer  parce qu’il y avait des lapins ! A la sortie du boulot, j’allais y faire voler mes oiseaux ! De fil en aiguille, j’ai passé ensuite un diplôme capacitaire de présentation au public pour pouvoir détenir des rapaces dans un parc et j’ai ainsi travaillé dans divers parcs zoologiques. J’ai  connu toutes sortes d’oiseaux, dont les aigles et il y a une quinzaine d’années, les aigles à la chasse ! Ce fut une révélation !

 

DT : Tu pratiques le bas vol ?

JYT : Oui… le haut vol se fait dans des plaines avec des faucons qui montent haut dans le ciel. Je l’ai pratiqué mais j’ai rarement été dans de grandes plaines avec du petit gibier : faisan, perdrix, …  A l’arrêt du chien, il faut le temps de déchaperonner le faucon et le faire partir du poing.  Ensuite, il va gagner son altitude et on peut alors faire s’envoler le perdreau. Le faucon va lui piquer dessus. Au bas vol, ce sont des oiseaux qui vont partir du gant directement en rasant le sol vers leur proie. On leur demande ce qu’il y a de plus difficile ! Démarrage, vitesse zéro, jusqu'à la prise entre 30 et 80 km/h.

 

DT : Travailler avec un aigle, c’est différent ?

JYT : J’ai vraiment pris beaucoup, beaucoup de lapins avec un autour ou une buse de Harris mais prendre un chevreuil avec un aigle, c’est un évènement exceptionnel ! L'aigle vit très  longtemps, il est intelligent, apprend, enregistre, calcule. C’est un dominateur. Les autres oiseaux peuvent être amadoués pour avoir un plus à manger et sont prêts à quémander alors que l’aigle, une fois qu’il a compris que c’était toi qui lui donne la nourriture, il commence à te regarder de haut en te disant « C’est toi qui a la bouffe ? Donne ! » Le rapport n’est pas le même. Quand on est arrivé à un degré de familiarité avec lui, quand il ne te craint plus, ne te fuit plus, il faut inverser la vapeur. Lui dire que ce n’est plus toi qui lui donne à manger mais que tu lui apportes des possibilités de faire une capture. On devient alors des compagnons de chasse !

 

DT : Cela demande beaucoup d’entrainement ?

JYT : Oui, heureusement, ma femme m’accompagne régulièrement à la chasse et à l’entraînement, quotidiennement avec la voiture et un câble de 200 mètre avec un leurre du volume d’un chevreuil. On peut rouler à 30 ou 80 kms à l’heure  pour une poursuite de 500 à 600 m mètres car un aigle ne maîtrisera pas son chevreuil tant qu’il n’aura pas acquis la vitesse. Il doit pouvoir le dépasser, une patte sur le train arrière ne suffit pas ! Il fait 2m30 d’envergure et doit avoir du souffle, du muscle. Il peut se muscler en quinze jours et perdre ses muscles dans le même laps de temps ! Avec quelques amis presque tous issus de spectacles de rapaces et chasseurs à l’aigle, on se retrouve une fois par mois, sur des invitations, propriétaires terriens, ACCA.

 

DT : La phase un peu critique c’est quand on s’approche de l’aigle et de la proie ?

JYT : Oui, quand tu chasses le lapin avec une buse de Harris, elle n’a pas envie de partager mais c’est un oiseau de 1 kg. Tu poses le gant sur le lapin, tu le sers pour ne pas le faire souffrir. Tu donnes ensuite une petite récompense à ta buse, tu la distrais un peu et elle remonte sur le gant. On peut faire alors disparaître le lapin. Un aigle qui vient de prendre un chevreuil a une telle poussée d'adrénaline et d'agressivité qu'il te voit arriver comme un concurrent, une femelle comme Toundra fait 4,200 kg et un chevreuil en moyenne une vingtaine de kg. Le déséquilibre des forces ne joue pas en faveur de l'aigle, d'autant que l'un cherche un repas et l'autre veut sauver sa vie. Et pourtant, il faut vite servir le chevreuil, ne pas le laisser souffrir dans les serres de l'aigle, mais aussi parce que le chevreuil tétanisé ne bougeant plus, l'aigle se détend, il parade  sur sa prise. C'est le moment que le chevreuil peut choisir pour se relever et s'enfuir. L'aigle doit comprendre que je suis juste là pour l'aider.  C’est un partenariat, un équilibre à trouver. Il ne doit pas redouter de me voir arriver uniquement pour lui dérober sa prise !

 

DT : Peux-tu nous  parler de l’affaitage, la relation entre l’homme  et l’animal…

JYT : Il s’agit d’amener  l’animal  au fait de ses capacités et non pas de le dresser. Ton chien, tu peux le gronder, un rapace s’en fout complètement. Pour une bonne action, il est récompensé et pour une  mauvaise action, pas de récompense. Tu ne peux pas te fâcher avec ton oiseau sinon tu vas passer ton temps à courir derrière ! Néanmoins on le fait voler avec un petit émetteur, une balise. Un aigle habitué à l’homme ne sait pas vraiment chasser seul et il pourrait aller au plus facile, tuer un chien ou un chat, ou pire..... Alors, prudence !

 

DT : Parle-nous de tes aigles …

JYT : Mon premier aigle, Haïko, une femelle également,  ne chassait que le lièvre, elle avait quinze ans, et je l’ai mise à la retraite. Elle avait  trop bien compris qu’on trouvait à plus facilement à manger près des habitations !

 

DT : Et celle que tu possèdes aujourd’hui ?

JYT : Toundra est restée en volière la première année car elle avait un très mauvais état de plumage quand je suis allé la chercher en Autriche. La deuxième année, pareil, elle n’a pas volé, elle n’avait pas mué et c’est seulement l’année dernière, qu’elle a pu le faire. En ce moment, elle devient très désagréable avec moi. C'est l'adolescence ! Même si elle est très volontaire et a attrapé quatre chevreuils, elle n’a pas su les tenir. Elle les prend au milieu du dos, fait du rodéo et se fait jeter. Il faut prendre la tête, impérativement. Toute sa frustration se reporte alors sur moi et quand je la rappelle, elle m’écrase le bras ! Être fâché avec un faucon crécerelle de 170 grammes ce n’est pas grave mais avec une femelle d’aigle royal de 4 kg, c’est plus désagréable ! Quand elle serre, elle est capable de passer à travers le gant. Cette année, il faut qu’elle travaille sur ce problème de prise à la tête mais jusqu’ici  on n’a  pas eu beaucoup de chance avec la météo. Elle a pourtant fait de belles poursuites sous la pluie, sur du lièvre, renard, chevreuil mais elle n’a pas réussi à conclure. La saison n’est pas finie !

 

DT : Tu la gardes chez toi ?

JYT : Je la garde six mois de l’année chez moi, dans une volière et elle passe le reste du temps chez un ami qui travaille avec des animaux pour le cinéma. Elle retrouve un tiercelet, un mâle, jeune lui aussi parce que la maturité sexuelle est à environ cinq ans chez l’aigle royal. Le mâle construit le nid et ils chantent ensemble. On ne cherche pas nécessairement une reproduction même si ce couple a l'air équilibré. Il n’y a pas beaucoup de demandes pour ces animaux en France. Une quinzaine d'aigliers et des oiseaux qui vivent trente ans.

L’aigle, l’homme et la chasse
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