Samedi 17 octobre, nous sommes une douzaine d’archers réunis à l’invitation de Yoann sur le beau territoire de chasse de l’ACCA locale dans le nord du département. Après le café, le rond se forme et les consignes sont données par le « maître de cérémonie ». Nous chasserons un brocard et un sanglier. Il n’y aura pas de chiens. La chasse se fera sous forme de traques animées par trois rabatteurs dont Yoann.
Une première traque est faite sur une réserve de chasse et trois chevreuils sont levés mais aucune action de tir. J’ai le plaisir* de voir ce grand gaillard de Yoann se débattre avec son longbow dans un enchevêtrement de bois et de ronces. Pas facile de traquer avec son gabarit mais il donne de lui. Merci l’ami.
Une seconde traque a lieu sur une zone beaucoup plus vaste. Didier, Patrick et moi-même sommes accompagnés par Jean-Pierre, traqueur qui va nous placer sur cette ligne. Quand on voit la distance à couvrir et que nous ne sommes que trois cela ne va pas être simple. Patrick se place au début de la ligne dans un espace qui me paraît bien favorable pour une belle action de chasse. Il reste plusieurs centaines de mètres à couvrir. Jean-Pierre nous conseille de placer l’un de nous deux assez loin sur la ligne, à un endroit où la pâture sépare le bois principal d’un bosquet. Je questionne Didier pour savoir s’il veut y aller. Il me répond d’y aller. Il se place entre Patrick et moi.
Je décide de me placer non pas dans le bois mais dans le bosquet distant d’une bonne trentaine de mètres environ. Je pense que si des chevreuils sortent sur le pré, ils s’arrêteront pour écouter et observer avant de choisir par où fuir. Je me place à l’angle du bosquet en surplomb d’un bon mètre par rapport au pré. Je suis sous un chêne, et derrière moi, du bois mort forme un fond. Je me sens invisible aux yeux des animaux qui sortiront du bois. J’ai un bon champ de vision sur ma gauche et devant moi, hormis le tronc du chêne qui masque à ma vue une partie du pré et de la lisière du bois.
Une dizaine de minutes après la sonnerie de début de traque je pressens que quelque chose est sorti du bois. Je penche la tête à gauche, un brocard est sorti mais il était caché à ma vue par le chêne. Il est arrêté et attend en se retournant. Là, un chevrillard sort du bois. Ils décident de s’avancer en passant au pas sur ma gauche. Je distingue le brocard à une dizaine de mètres, arrêté une seconde fois. Cela ne dure que quelques secondes. Puis soudain, ils repartent en changeant de direction. Ils vont me passer devant, à une distance comprise entre quinze et vingt mètres, en passant de gauche à droite. Le brocard est devant le chevrillard et s’arrête devant moi en plein travers. Il tourne la tête pour voir si le chevrillard le suit. Du coup, il ne peut me voir, et mon arc monte instinctivement. La traction est fluide et l’encoche arrive à la commissure des lèvres sans que je m’en rende compte. La flèche part en une fraction de seconde. Un tir très rapide, un peu trop peut-être…
Je vois distinctement le vol de ma flèche empennée de plumes jaune et blanches. Elle traverse le corps du brocard et poursuit sa course dans le pré quelques mètres après. Je la vois toute rouge de sang d’où je suis. Le brocard est parti sans plus être affolé que cela et le chevrillard le suit. Il est mort mais il ne le sait pas encore me dis-je. La route du brocard se sépare de celle du chevrillard. Il décide de rentrer dans le bois d’où il était sorti.
J’annonce les quatre coups de trompe suivis du Rigodon. Je relance mon annonce deux autres fois pour être certain d’avoir bien été entendu. Puis je quitte le bosquet pour aller voir ma flèche bien visible dans la pâture. Elle est rougie de la lame à l’encoche. Il y a quelques bulles d’air sur le fût et des bouts de chair au sol. Il y a du sang à proximité. C’est plutôt rassurant même si j’ai l’impression que ma flèche a atteint le brocard un peu trop en arrière des poumons. Je pense plus à une atteinte au foie. Pourtant les années d’entraînement et un matériel que je pense vraiment bien réglé et préparé me confortent. Mais tout va tellement vite dans ces moments là que forcément le doute peut s’installer. Je fais quelques mètres mais je ne vois vas beaucoup de sang… Maintenant il me faut attendre vingt minutes en discutant avec les copains qui arrivent les uns après les autres.
Yoann me fait sortir de mes pensées en me disant que ca fait bien vingt minutes désormais et qu’il faut y aller. Finalement nous trouvons du sang et pas mal d’écume de bave dans le pré. Je n’avais pas bien mesuré la trajectoire du chevreuil après le tir. Voilà pourquoi je ne trouvais pas d’indice. Finalement le chevreuil est rentré au bois quinze mètres plus à droite que j’en avais eu l’impression.
Dans le bois la piste n’est pas difficile à suivre… Finalement le brocard est là, allongé au pied d’un talus qu’il n’a pas réussi à franchir. Un beau brocard qui porte six avec un andouiller supérieur cassé. Nous lui rendons les honneurs, Yoann me tend le bracelet que je referme et la séance de photos traditionnelle suit.
Nous portons ensuite le chevreuil à travers bois jusqu’à un chemin. Une fois chargés, nous nous retrouvons chez Yoann. Nouvelle séance photo avec toute l’équipe : archers, traqueurs, membres de l’ACCA puis Alban se charge du traitement de la venaison. Au dépeçage nous constatons que la flèche a cassé deux côtes, traversé la panse puis tranché foie et poumons, puis recassé une côte à la sortie. Le brocard a quand même parcouru cent cinquante mètres environ.
Un grand merci à Yoann pour cette belle journée et pour son accueil. Merci également à l’ACCA et à son président pour nous permettre ces sorties sur un magnifique territoire. Merci beaucoup à Jean-Pierre de nous avoir conseillé pour notre placement sur la ligne. Un immense merci à Didier ne de pas être allé à ce poste !!! Un merci aussi à Alban pour la préparation du chevreuil et pour sa terrine maison…
Erwan
*Au rond du matin, il se moquait de moi et de mon mètre soixante-quatorze… Bien souvent on annonce les sangliers à prélever en disant de tirer des animaux dont la taille correspond à la hauteur de nos genoux. Le hic étant que mes genoux sont beaucoup plus près du sol que ceux de Yoann !