La Fondation François Sommer vient de publier le petit livre blanc dont l’objectif est de s’exprimer directement sur la pratique de la chasse en France, ses évolutions d’ici à 2040. Nous avons souhaité vous relayer son passage sur les évolutions de l’éthique de la chasse et vous invitons à lire l’intégralité du livre blanc ici.
« On peut s’interroger de deux façons sur les rapports de la chasse avec l’éthique. La première consiste à apporter une réponse à ceux qui récusent la légitimité de l’acte de chasse dans son principe même, de sorte qu’ils préconisent son interdiction. La seconde conduit à questionner les règles de comportement que le chasseur peut et doit adopter pour observer une éthique cynégétique convenable. En matière de chasse, l’éthique est une sublimation de l’instinct. Elle doit encadrer l’acte de chasse au-delà de la simple prédation et le faire ainsi passer de la bestialité à l’humanité.
La légitimité de l’acte de chasse, qui conduit à ôter la vie à un être vivant en y trouvant une satisfaction, doit aujourd’hui être défendue. Certes, le chasseur peut se prévaloir, quand il tire le grand gibier, d’assurer une indispensable régulation des populations même si ce n’est pas l’essentiel de la chasse car il n’est pas nécessaire de réguler les bécasses… Il peut arguer en outre du fait qu’il apporte à la communauté diverses contributions écosystémiques en participant à la sauvegarde des espèces et à l’entretien des espaces. Il reste que la chasse est sa passion et qu’il la pratique avec un plaisir qu’on ne saurait nier, tant il est vrai qu’elle lui apporte le bonheur.
Trois types d’arguments peuvent fonder la légitimité de la chasse-plaisir. Le premier et le plus important est la liberté de conscience. L’appartenance à une société respectueuse des droits et des libertés de chacun implique que celle-ci en garantisse l’exercice, quelle que soit la diversité des opinions. Les menées des mouvements animalistes, qui réclament l’interdiction de la chasse au nom d’une vision nouvelle de la relation entre l’homme et l’animal qui leur est propre, ne peuvent aller contre ce principe fondamental du pacte républicain. Argumenter le contraire reviendrait à réclamer un changement de société.
Ensuite, on ne peut nier le fait que la chasse témoigne d’une civilisation très ancienne. Il y a moins de deux siècles, les Français vivaient en petite minorité dans les villes. Aujourd’hui, c’est le monde rural qui est devenu marginal. Cela ne donne pas à la civilisation urbaine la légitimité de faire disparaître la chasse qui est l’un des attributs historiques du monde de la campagne. Enfin, pour analyser ce qu’est le plaisir de chasser, il faut comprendre qu’il ne s’agit pas du plaisir de tuer. L’homme poursuit toutes sortes de chimères dont il est convaincu qu’elles lui procureront un accomplissement particulier. Le contact avec la nature sauvage, la rencontre (quand elle survient) avec l’animal sauvage et la satisfaction de l’appréhender (quand il y parvient) procurent au chasseur un genre de bonheur qu’il ne rencontre pas ailleurs: celui de se sentir partie prenante de l’univers sauvage qui entoure l’homme depuis sa création. Ceux qui ne chassent pas ne connaissent pas ce type d’émotion. Du moins peuvent-ils admettre qu’elle existe.
Quelles sont, par ailleurs, les exigences auxquelles la pratique de la chasse doit se soumettre pour respecter ce que l’on pourrait qualifier d’éthique cynégétique ? Ici encore, il faut distinguer trois approches. La première est directement inspirée de François Sommer. Celui-ci avait compris dès 1930 que le chasseur devait avoir le souci de gérer les espèces sauvages sur lesquelles il exerce un prélèvement. C’est la philosophie du plan de chasse qu’il fit prévaloir en France après 1970. Au lieu de se comporter en consommateur insouciant des richesses de la nature, le chasseur y devient le partenaire responsable d’une nature par essence fragile. La mise en œuvre de ce principe a conduit, pour les espèces d’ongulés, à des résultats spectaculaires: leurs effectifs ont décuplé.
Le concept de gestion adaptative, récemment lancé pour certaines espèces en situation délicate, n’est pas fondamentalement différent. En second lieu, il faut prendre en compte ce qu’on peut qualifier la noblesse de l’acte de chasse. Celle-ci doit être une sorte de duel avec le gibier. Le chasseur y met en œuvre des savoirs et fait preuve d’habileté afin de surmonter les difficultés que la recherche puis la rencontre d’un animal sauvage dans son milieu naturel comportent toujours. Plus l’acte de chasse se rapproche d’un tour de force, plus il est respectable. Plus il s’en éloigne, moins il est estimable. L’intervention du chien donne le plus souvent une profondeur supplémentaire à l’acte de chasse. Le chien d’arrêt pour le petit gibier, le chien courant pour le grand gibier confèrent à l’action du chasseur une qualité qui peut toucher à l’excellence.
L’oiseau du fauconnier permet à ce dernier de réaliser un chef d’œuvre. La dernière réflexion concerne le respect dû à l’animal chassé. L’opinion moderne est très attachée à la notion de respect, qu’elle applique d’ailleurs à des domaines très différents. En ce qui concerne la chasse, il s’agit de faire tout ce qui est possible pour que la mort de l’animal chassé soit digne et propre. Celui-ci est voué à mourir un jour dans le secret de la nature. »